Éloge de l’informel
La COVID-19 nous a obligés à trouver de nouvelles manières d’organiser le travail. Comment travailler tout en respectant les consignes de la santé publique? L’option du télétravail est tout simplement géniale! Elle permet à bon nombre de travailleurs de garder le tempo et procure des avantages logistiques non négligeables!
C’est définitif, le télétravail est là pour rester. La seule question est de savoir comment il sera utilisé. Chaque organisation développe sa façon de l’intégrer dans son mode de fonctionnement.
Mais qu’adviendra-t-il de tous ces moments de rencontres informelles? Ces petits « bonjour, comment ça va aujourd’hui? » à la machine à café, ces « et puis, c’est un GO ou pas avec ce projet? » dans l’ascenseur, ces « on vas-tu luncher au sushis ce midi? » ou « moi, je marche jusqu’au métro, des partants? »
Tous ces moments informels où tant d’échanges précieux ont lieu, où des partages personnels et professionnels sont faits, où des dossiers se règlent, des décisions se prennent. Ces courts moments de célébration d’une réussite, d’un accomplissement. Ces moments de niaiseries qui semblent futiles et pourtant…
Ces moments où l’on construit la relation avec ses collègues.
Ces moments où subtilement, la confiance se bâtit…
Est-ce que des exemples de ce genre de moment vous reviennent en mémoire?
Avant la COVID, on ne savait pas à quel point ces moments étaient chargés de sens. Aujourd’hui, nous en sommes privés et on découvre ce manque dans la solitude de notre domicile. Et ce manque peut pernicieusement créer beaucoup d’anxiété chez certains parce que l’informel jouait le rôle de donner une récréation, de bouffée d’air frais dans une routine exigeante au quotidien.
Aujourd’hui, nous n’avons que le formel, l’informel n’existe plus. Et c’est inquiétant…
Permettez moi d’illustrer ma pensée:
Auparavant, la normale était:
En me rendant à ma réunion, je croise une collègue dans le corridor avec qui j’échange sur le dossier en cours, je précise avec elle les petits détails qui permettent une meilleure compréhension pour nos bailleurs de fonds, puis, je passe à la toilette et j’échange avec une autre sur la maladie de ma mère, elle s’y intéresse beaucoup parce qu’elle est passée par là l’année dernière. Puis, dans l’ascenseur, je dis à mon collègue que je dois quitter dès la fin de la réunion car j’ai un rendez-vous chez l’orthodontiste avec mon plus jeune. J’arrive à la salle de réunion, je prends le temps de saluer tout le monde et d’aller me chercher un verre d’eau où je conclue avec mon gestionnaire sa participation au tournoi de golf du printemps pour la cause des jeunes dans la rue. Je suis contente parce que c’est une cause qui me tient à coeur! Je vais remplir le dossier de participation demain. Je reviens et m’installe à ma place. En voyant mon mon voisin Jean-Michel, j’éclate de rire parce qu’il ne sait pas comment camoufler une énorme tache sur sa chemise. Il a mangé du poulet général Tao ce midi et a fait tout un dégât… Pauvre lui, il est tout croche sur sa chaise…
La réunion commence.
La réunion finie.
Lorsque la réunion se termine, on se salue tous. Je fais signe à Martin que je le contacte demain pour régler le devis de rénovations qui commencent la semaine prochaine. J’attrape ma collègue pour revenir sur un point qu’elle a mentionné pendant la réunion qui n’était pas clair pour moi. Elle prend deux minutes pour m’expliquer et ça y est, je comprends mieux maintenant mais elle se met à être inquiète: « est-ce que ça veut dire que personne à compris? » Je m’empresse de la rassurer: « Non, non, t’en fais pas! C’est juste que j’ai eu une absence en plein au moment où tu expliquais ton plan… C’est moi qui était perdue… » Je la connais, elle est facilement anxieuse, il faut la rassurer! Ça ne me dérange pas, je l’adore mais j’avoue que parfois, ça demande pas mal d’énergie… Je me dépêche car je dois partir. Dans l’ascenseur, mon collègue partage avec moi à quel point il aime ça quand les réunions sont courtes et j’obtempère étant moi même contente parce que je suis pressée de rentrer parce que je dois aller… Je passe rapidement à mon bureau et j’en profite pour faire mon plan pour demain en oubliant pas de noter le tournoi de golf. Rosalie passe par mon bureau en me faisant un gros câlin et me remerciant pour le petit cadeau que j’ai offert à sa fille qui vient de terminer la garderie. Elle en a les larmes aux yeux! Ça m’émeut… J’aime ça faire des cadeaux! Sa fille a adoré le petit toutou à gros yeux que je lui ai donné. C’est certain, c’est une licorne!
Je quitte enfin. Merde, j’ai 5 minutes de retard… Pas grave, mon fils est capable d’attendre un peu… Après tout, il a 15 ans.
Et maintenant, la normale est:
Je suis chez moi. Je travaille à l’ordi sur des dossiers. Je ne parle à personne.
J’ouvre TEAMS ou Zoom.
La réunion commence.
La réunion finie.
Je ferme TEAMS. Je retourne à mes dossiers. Dans le silence.
Point.
Jusqu’à la prochaine réunion.
J’accompagne mon fils chez l’orthodontiste. D’avance.
Ces moments de rencontre informelles offraient la possibilité aux gens d’être ensemble. De partager des petites choses qui peuvent sembler anodines mais qui sont tellement pleines de vie.
Et au final, ces moments sont d’une grandes importances pour mettre de la couleur, de la rondeur, de la vie dans notre quotidien!
Je les crois essentiels. Comment allons-nous recréer ces moments informels si précieux à l’avenir? Avez-vous des idées?