Audi alteram partem

 dans Accompagnement, Authenticité, Avoir du courage, Bienveillance, Bienveillance envers soi-même, Écouter

Hier, j’ai eu une conversation très intéressante avec ma mère(1). Je partageais avec elle qu’il m’était vraiment difficile d’être en relation avec des gens qui ne s’intéressent pas à moi, qui ne me demandent jamais: « Et toi, comment ça va? » Doucement, je sens qu’un fossé se creuse entre ces personnes et moi et à un moment donné, la relation s’éteint. 

Ma mère s’est sentie interpellée par mes propos et spontanément, a lancé la célèbre phrase de notre ancien premier ministre Bernard Landry: « Audi alteram partem »: Écoute l’autre partie. Cette expression latine est symbole de sagesse populaire. Elle est considérée comme un principe de justice fondamentale ou d’équité dans la plupart des systèmes de justice.

Entendre l’autre. Écouter réellement ce qu’il a à dire, sans interférer. Se taire. S’ouvrir à l’autre. Si les latins ont inventé cette maxime et que monsieur Landry nous l’a régulièrement rappelée, c’est peut-être parce qu’on n’a pas encore compris… Ça fait longtemps qu’on a de la difficulté à écouter! Ça fait, mettons, quelques millénaires!

Je parle d’une écoute avec ouverture, sans jugement. Même si une réponse nous brule les lèvres, même si on est pris par nos émotions… 

C’est un défi de tous les jours. 

Pour devenir habile, il faut le vouloir grandement, fortement, profondément. Il faut accepter de mettre de côté son ego, son besoin de contrôler, sa colère, peut-être… Il faut surtout pratiquer comme un athlète qui veut se rendre aux Jeux Olympiques ou une jeune joueuse de tennis qui veut se rendre aux US Open! 

Ce n’est pas tout: il faut aussi se connaître assez pour s’intercepter quand on est dans un mauvais niveau d’écoute, être en mesure de se recadrer et reprendre l’écoute en toute humilité. C’est si facile de laisser l’ego prendre le plancher dans son discours intérieur! Vouloir à tout prix donner son point de vue, sa perception, sa compréhension. Ce type d’écoute n’aide en rien notre interlocuteur qui désire simplement être écouté. 

Jacques Salomé présente l’écoute comme étant « l’art de se mettre en veilleuse »(2). 

Il dit: « Écouter est peut-être le plus beau cadeau que nous puissions faire à quelqu’un. D’une certaine façon, c’est lui dire : « Tu es important pour moi, tu es intéressant, je suis heureux que tu sois là. Je suis disponible à ta présence. Je me sens touché par ce que tu es, par ce que tu dis. 

Écouter, c’est accepter. C’est laisser tomber ce qui nous occupe pour donner son temps à l’autre. L’écoute ouverte est semblable à une promenade avec un ami. On marche à son pas, proche mais sans gêner, on se laisse conduire par lui, on s’arrête à sa discrétion, on repart avec lui, on est là pour lui. Cela s’appelle cheminer en compagnie.

Écouter, c’est accueillir l’autre, le reconnaître tel qu’il se définit, sans se substituer à lui pour lui dire ce qu’il doit être.»

Comment écouter vraiment? 

Quand une communication s’est bien déroulée, on en sort avec un regain d’énergie, on se sent dynamisé. Guillaume Dulude de PSYCOM(3) affirme que dans un échange entre deux individus, pour que la communication soit réussie, il faut se vulnérabiliser. Pas se fragiliser, se vulnérabiliser, c’est à dire s’ouvrir à l’autre. En d’autres mots: l’écouter en toute ouverture. 

Quand l’autre est écouté, vraiment écouté, son sentiment de sécurité se raffermit, il se sent en confiance, alors, il aura le désir de s’engager davantage dans cet échange fort et inspirant. Autrement, il voudra couper court à la conversation. 

  • Combien de fois êtes-vous sortis épuisés d’une conversation? 
  • Savez-vous quels sont les éléments qui ont rendu cet échange pénible? 
  • Suite à cette expérience, quelles sont les réflexions que vous vous êtes faites en lien avec cette relation? 

Le grand défi de société

Écouter réellement l’autre est un exercice de tous les instants. Mais actuellement, dans notre société, on valorise « l’opinion spontanée ». On dirait que le plus important c’est d’avoir quelque chose à dire, peu importe ce que c’est! On ne fait pas l’éloge de la lenteur, de la perspective, de l’écoute. On fait l’éloge de: « ben, MOI, je pense que… »

Plusieurs jeunes en milieu de travail, les milléniaux, entre autres, sont actuellement les champions de l’expression de soi, de ses besoins. Ils savent plus que quiconque nommer ce qu’ils veulent et ce qu’ils ne veulent pas. Ils ont appris à s’affirmer. 

Nous, les « X »  et les Boomers avons appris à écouter les ordres, à être dociles. Enfant, nous n’avions pas notre mot à dire, notre opinion n’avait aucun poids sur les décisions prises. Nous étions dressés à écouter les consignes et étions valorisés lorsque nous les respections à la lettre. 

Dans un sens, j’envie les milléniaux d’être capables d’affirmer leurs limites, de définir leurs frontières, de se connaître assez et ce, à un très jeune âge pour ne pas faire de choix dociles ou par crainte de représailles. 

Cependant, ces mêmes milléniaux ont-ils appris à « écouter l’autre partie » et à faire une réflexion sur ce qu’ils ont reçu comme informations? S’en tiennent seulement à leur besoins immédiats et instantanés, comme d’ailleurs tout bon jeune rebelle en quête d’identité? 

Quand on observe notre monde qui vit des changements constants, qui fait l’apologie de l’instantané, qui gère le chaos d’une pandémie à tâtons, un monde qui a accumulé une immense fatigue, une fatigue telle qu’elle génère de la détresse, on réalise que certaines attitudes des gens sont exacerbées au maximum et qu’elles peuvent générer des comportements douteux voire dangereux.

Comment arrêter ce mouvement? Comment calmer cette tempête? 

Une idée: en se taisant. Et en écoutant sincèrement l’autre partie. Comme les latins l’enseignaient il y a déjà plusieurs millénaires. 

Audi alteram partem. 

 

Notes:

1- Ma précieuse maman, Louise Robillard, que j’aimerais remercier pour sa grande contribution à cette profonde conversation et pour son soutien dans la correction de ce texte. Merci maman! Nous formons une formidable équipe! 

2- https://www.psychologies.com/Moi/Moi-et-les-autres/Relationnel/Articles-et-Dossiers/Ecouter-l-art-de-se-mettre-en-veilleuse

3- https://communicationpsycom.com

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